Friday, March 11, 2011

L’équation régime autoritaire et développement économique ne marche pas


Interview avec Aujourd'hui Le Maroc - 11-01-2011

Youssef Belal affirme que le Maghreb uni est la seule porte de sortie du sous-développement économique que connaît la région.

ALM : Quelle analyse faites-vous des troubles sociaux en Tunisie ?

Youssef Belal : Certes, la Tunisie connaît un développement économique très en avance par rapport à d’autres pays du Maghreb. Mais, le problème c’est qu’il y a beaucoup de citoyens tunisiens qui sont exclus de ce développement au niveau de plusieurs régions du pays. Aussi, la question qui se pose est celle de savoir pourquoi la représentation politique des mouvements de protestation ne se reconnaît pas et ne se retrouve pas dans des mécanismes politiques étatiques? Pourquoi ces jeunes émeutiers n’ont pas exprimé leurs revendications autrement, c’est-à-dire à travers les instances étatiques? C’est la problématique de la représentation démocratique crédible des citoyens. Et c’est la raison qui explique ce blocage, étant donné que le régime tunisien est probablement l’un des régimes les plus autoritaires. C’est là où résident la faille et la limite de ce système. En effet, l’équation régime autoritaire et développement économique même très avancé ne marche pas. C’est le cas également en Chine. La rupture des liens sociaux dans ces deux pays provient du fait de l’absence de la représentation démocratique de la population.

ALM: Quelle est la solution face à cette situation de blocage ?

Youssef Belal: Le recours à des actes extrêmes repose sur une demande de représentation politique crédible du peuple. La capacité de l’Etat tunisien de produire des richesses est énorme, mais le caractère autoritaire du régime fait que la distribution de ces richesses ne se fait pas équitablement. Face à cette situation, le citoyen mécontent ne disposant pas de députés, ni de partis politiques, estimant que sa voix n’est pas entendue et ses intérêts ne sont pas pris en considération, va recourir à des moyens violents pour se faire entendre. Il faut qu’il y ait un espace de débat politique démocratique à même de servir de canal d’évacuation des tensions pour éviter que les manifestants descendent dans les rues.

ALM: Quel est le lien entre ce qui se passe en Tunisie et les émeutes en Algérie?

Youssef Belal : Bien qu’il y ait une similarité entre les deux cas, l’Algérie a ses propres particularités. La Tunisie a des bases plus solides de développement économique alors que l’Algérie est un Etat rentier. Son économie est basée sur les rentes du pétrole et du gaz naturel. En plus, le citoyen algérien voit que la manne financière importante qui résulte de cette rente est mal gérée. Soit qu’elle est dépensée impertinemment, soit qu’elle est détournée profitant à une caste dirigeante. Le peuple voit, ainsi, que tout cet argent ne profite pas au développement socio-économique, d’où le recours aux moyens extrêmes pour dénoncer cette situation.

ALM: Pensez-vous que l’édification de l’UMA serait en mesure de résorber ce genre de tensions sociales?

Youssef Belal : De manière globale, la construction maghrébine est notre seule porte de sortie du sous-développement économique. C’est indéniable. L’exemple le plus typique est celui de l’Union européenne qui, disposant d’un pouvoir supranational, affecte une partie des richesses produite par les Etats de l’Union aux régions les plus nécessiteuses pour déboucher sur un développement global équilibré. Mais, il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs. C’est l’absence de démocratie dans la région qui gèle ce projet prometteur. Il faut donc que nous ayons des régimes démocratiques, car ce type d’union à caractère supranational va limiter la souveraineté des Etats. Il est temps que l’instrumentalisation du nationalisme prend fin. Il faut qu’il y ait une évolution vers une perspective démocratique post-nationaliste.

Par : Mohamed Aswab

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