Au mois de Ramadan 2011, au cours d’une conférence organisée par la Coalition pour la Monarchie Parlementaire Maintenant sur le thème “La gauche et le mouvement islamique: dialogue sur les libertés” à laquelle participait le Parti de la Justice et du Développement (PJD), j’avais défendu l’idée d’un rapprochement entre la gauche et le mouvement islamique en privilégiant une approche politique plutôt qu’idéologique. Cette lecture politique consiste à faire de la démocratisation de l’Etat la priorité qui conditionne l’ensemble de la stratégie de la gauche, notamment le choix des alliances. En adoptant cette perspective, le PJD peut constituer un allie majeur dans le combat démocratique. Aujourd’hui que le PJD est arrive très nettement en tète des élections législatives, il me semble une nouvelle fois nécessaire d’adopter une lecture politique de la nouvelle donne en défendant l’idée d’un soutien de la gauche au prochain gouvernement.
Le PJD a obtenu une victoire électorale qui constitue une rupture par rapport a la manière dont les élections étaient jusque-là perçus tant par les élites politiques que par les électeurs. Elle devrait d’ailleurs amener les partis politiques à comprendre que leur survie dépendra à l’avenir de l’électeur qui donne un sens politique à son vote et non de la proximité au Palais. Dans l’offre politique qui leur était soumise, les électeurs Marocains ont fait le meilleur choix. La signification du vote PJD est très proche de la signification du vote pour la gauche il y a trente ou quarante ans notamment sur les valeurs d’éthique et de probité.
Le PJD peut transformer son succès électoral en une légitimité politique forte face au Palais et autonomiser la sphère de décision institutionnelle du gouvernement par rapport a l’interventionnisme des conseillers et “amis” du roi. C’est aussi ce succès électoral qui renforcera le lien entre l’exercice du pouvoir et la responsabilité politique devant les électeurs. En s’alliant au PJD autour d’une orientation commune de démocratisation de l’Etat, la gauche peut contribuer à transformer les pratiques institutionnelles en faveur du gouvernement issu des urnes.
La gauche peut aussi s’entendre avec le PJD sur la base d’un programme commun de gouvernement en matière de lutte contre la corruption, de redistribution des ressources en faveur des couches les plus démunies, d’élargissement de l’accès aux services sociaux et d’égalité des chances.
Enfin, le prochain gouvernement doit se concevoir comme l’héritier du gouvernement Youssoufi, et tirer les leçons de cette expérience. Dans les deux cas, c’est la transformation de la relation entre Etat et société et la constitution d’un nouveau rapport de forces en faveur de cette derniére qui est en jeu. Le prochain gouvernement bénéficie d’atouts dont le gouvernement Youssoufi ne disposait pas, notamment l’existence d’un fort mouvement contestataire comme le Mouvement du 20 février qui peut constituer un allié sur les questions liées à la démocratisation et à la lutte contre la corruption. Il est évident que dans cette configuration la gauche n’aura pas le premier rôle mais elle pourra reprendre le cours d’un début de démocratisation commencé timidement par le gouvernement Youssoufi mais trop rapidement interrompu.